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Infos du syndicat CFTC du Gard
19 mai 2014

Harcèlement : une solution la prise d'acte

Harcèlement moral, surcharge de travail, souscharge de travail (mise au placard). Ne plus laisser faire. Une solution pour le salarié: utilisez la prise d'acte aux torts de l'employeur !
Bonne lecture, bon courage et bon week-end. Petit voyage en Camargue joint.

Définitions légales du harcèlement moral

Depuis la loi no 2008-496 du 27 mai 2008, il faut tenir compte de deux définitions légales.

a) L'article L. 1152-1 du Code du travail

Cet article donne du harcèlement moral la définition suivante : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Les points forts de la définition du harcèlement moral résident dans le caractère répétitif, récurrent des agissements coupables, leurs conséquences et l'absence de désignation du harceleur, ce qui conduit à adopter la conception la plus large possible.

b) La loi du 27 mai 2008 et le harcèlement discriminatoire

La loi no 2008-496 du 27 mai 2008 ne porte pas directement sur le harcèlement, qu'il soit moral ou sexuel, mais sur les discriminations. En incluant dans la liste des discriminations « Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant », cette loi concerne tout acte isolé de harcèlement moral susceptible d'être relié à une discrimination en fonction de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, de la religion, des convictions, de l'âge, du handicap, de l'orientation sexuelle ou du sexe.

 

Règles spéciales de preuve

La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 avait adopté en matière de harcèlement moral ou sexuel, le même mécanisme de la charge de la preuve qu'en matière de lutte contre les discriminations : le salarié qui s'estimait victime de harcèlement moral ou sexuel devait présenter les éléments de fait laissant supposer un harcèlement et c'était à la partie défenderesse qu'il incombait de prouver que les agissements incriminés n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Ces règles ont été aménagées par la loi no 2003-6 du 3 janvier 2003, dite Loi Fillon. Il ne s'agit plus pour le salarié de « présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement » mais « d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ».

Autrement dit, sans transférer sur le salarié la charge de la preuve du harcèlement, cette nouvelle version de l'article L. 1154-1 du Code du travail le met davantage à contribution en lui imposant d'étayer ses allégations par des éléments de faits précis. A charge ensuite pour l'employeur de rapporter la preuve — sur ce point, le dispositif n'est pas modifié — que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs du harcèlement et s'expliquent par des éléments objectifs.

Observations

Selon le gouvernement, ce régime de la charge de la preuve prend acte des réserves qu'avait formulées le Conseil constitutionnel sur la loi de modernisation sociale. Il précisait en effet que ces règles de preuve « ne sauraient dispenser (la victime) d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente » au soutien de ses allégations et qu'ainsi la partie défenderesse sera mise en mesure de s'expliquer sur les agissements qui lui sont reprochés (Cons. const. déc. no 2001-455 DC).

A cet égard, la production de « SMS » (messages écrits téléphoniquement) dont la victime est destinataire ne constitue pas un mode de preuve déloyal (Cass. soc., 23 mai 2007, no 06-43.209 P+B+R+I). La Cour de cassation estime qu'au contraire d'une conversation téléphonique privée, l'auteur du SMS, ne peut ignorer qu'il est enregistré par l'appareil récepteur.

Obligation de prévention du chef d'entreprise

La prévention du harcèlement moral est avant tout confiée au chef d'entreprise. Il lui appartient de prendre toute mesure en ce sens (C. trav., art. L. 1152-4) ainsi que d'infliger des sanctions disciplinaires aux salariés auteurs de tels agissements (C. trav., art. L. 1152-5).

A cet égard, soulignons que la lutte contre le harcèlement moral participe à l'exigence de protection de la santé mentale du salarié (C. trav., art. L. 4121-1).

Comme le souligne un auteur, cette exigence « est porteuse d'évolutions importantes, ... des politiques de santé dans l'entreprise, des pratiques et des manières de concevoir, d'appréhender la question de la sécurité au travail, des acteurs et notamment du CHSCT » (Semaine sociale Lamy, Suppl. no 1315, 9 juill. 2007, P. Adam).

La nouvelle approche de la Cour de cassation qui considère qu'un style de management peut être constitutif de harcèlement moral indépendamment de toute intention malveillante (Cass. soc., 10 nov. 2009, no 07-45.321), ainsi que la mise en application des plans anti-stress  devraient entraîner une prise de conscience sur la nécessité de réévaluer les organisations de travail à la lumière des risques tels qu'ils ont été mis en lumière par les médecins et les psychologues 

La prévention du harcèlement sexuel n'est pas prévue de façon aussi expresse.

Remarques

Par application de l'article L. 1152-4 du Code du travail, c'est à l'employeur et à nul autre qu'il appartient de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Il n'entre donc pas dans les pouvoirs du juge d'ordonner la modification ou la rupture du contrat de travail d'un salarié accusé de harcèlement moral par ses subordonnés (Cass. soc., 1er juill. 2009, no 07-44.482, no 1580 FS-P+B+R).

Protection du témoin

Afin de protéger efficacement les témoins des victimes, la législation sur le harcèlement sexuel (C. trav., art. L. 1153-3) et moral (C. trav., art. L. 1152-2) prohibe tous les actes qui pourraient se révéler être des freins à la liberté de résistance, de plainte ou d'expression des intéressés : sanction, licenciement, mesures discriminatoires.

Sanctions pénales

Les faits de harcèlement moral ou sexuel et de discrimination à l'égard de la victime et/ou des témoins seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 € (C. trav., art. L. 1155-2).

Par ailleurs, les agissements de harcèlement moral font l'objet dans le Code pénal d'une incrimination dont le champ est plus large avec à la clef une peine d'emprisonnement d'un an et une amende de 15 000 € (C. pén., art. 222-32-2).

Remarques

Le Conseil constitutionnel a été interrogé sur la validité des règles de preuve dérogatoires devant la juridiction pénale. La Haute Instance considère que cet aménagement de la charge de la preuve, également prévu en cas de harcèlement sexuel, ne s'appliquera pas devant le juge pénal, et ce au nom du principe de la présomption d'innocence.

Mission des délégués du personnel

En visant les atteintes à la santé physique et mentale, le « droit d'alerte » des délégués du personnel, initialement prévu en cas d'atteinte disproportionnée aux droits des personnes et aux libertés individuelles, a été étendu aux cas de harcèlement (C. trav., art. L. 2313-2).

Extension des prérogatives du CHSCT et des services de santé au travail

Le CHSCT est chargé de protéger la « santé physique et mentale » du salarié.

Il a expressément qualité pour émettre des propositions d'actions de prévention en matière de harcèlement moral (C. trav., art. L. 4612-1 tel qu'issu de la loi no 2002-73, 17 janv. 2002, art. 174).

De même, les médecins du travail ont compétence pour alerter le chef d'entreprise si besoin est et recommander toute action de prévention qu'il jugerait utile.

 

Médiation

Le législateur a mis en place une procédure de médiation en cas de harcèlement moral (C. trav., art. L. 1152-6).

a) Le recours à la médiation

Une procédure de médiation peut être envisagée non seulement par toute personne de l'entreprise s'estimant victime de harcèlement moral mais également par la personne mise en cause, c'est-à-dire le présumé harceleur.

b) Le choix du médiateur

Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre les parties.

Dans sa version issue de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, le texte prévoyait l'établissement d'une liste de médiateurs par le Préfet et précisait les conditions de déroulement de la procédure de médiation.

c) Rôle du médiateur

Le médiateur s'informe de l'état des relations entre les parties, il tente de les concilier et leur soumet des propositions qu'il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement.

En cas d'échec, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime.

d) Statut du médiateur

Le médiateur choisi par les parties ne bénéficie d'aucune protection particulière contre le licenciement.

Dans sa version initiale, le texte prévoyait l'alignement du statut de médiateur sur celui de conseiller du salarié.

SOLUTION envisageable :

Halte au harcèlement,  pas de démission, pas de suicide, utilisez la prise d’acte !

Prise d'acte de la rupture par le salarié — Définition et situations assimilées   

La prise d'acte constitue une « réponse » à ce que le salarié considère comme un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles – non-paiement du salaire, par exemple, modification imposée du contrat de travail, actes de harcèlement moral... : ne pouvant laisser perdurer une situation qui lui fait grief, il va prendre l'initiative de rompre son contrat de travail mais il imputera la responsabilité de cette rupture à l'employeur.

La prise d'acte peut s'exprimer comme telle – « je prends acte de la rupture de votre fait » ou d'autres façons qui signifient la même chose – « je considère mon contrat comme rompu de votre fait », « je me considère comme licencié » : quelle que soit la formulation choisie, le salarié manifeste clairement qu'il n'entend pas assumer la responsabilité de la rupture et que son initiative de rupture n'est surtout pas une démission.

Le plus souvent, lorsqu'elle est assumée comme telle, la prise d'acte s'accompagne d'une cessation immédiate du travail.

Mais il arrive que le salarié, pas toujours au fait des subtilités de langage qui permettent de dissocier initiative et imputabilité de la rupture, donne sa démission.

Aussi la Cour de cassation assimile-t-elle à une prise d'acte la démission motivée, c'est-à-dire la démission assortie de griefs à l'encontre de l'employeur (Cass. soc., 15 mars 2006, no 03-45.031, Bull. civ. V, no 109 ; Cass. soc., 30 oct. 2007, no 06-43.327, Bull. civ. V, no 177).

De même, en présence d'une démission émise sans réserve mais remise en cause ultérieurement par le salarié en raison de manquements qu'il impute à son employeur, le juge doit analyser cette démission en une prise d'acte si des circonstances antérieures ou contemporaines à la rupture la rendent équivoque (Cass. soc., 9 mai 2007, no 05-41.324, no 05-40.315, Bull. civ. V, no 71 ;).

La prise d'acte n'est pas incompatible avec une action en exécution du contrat de travail. La Cour de cassation considère en effet qu'un salarié qui agit en justice contre son employeur en exécution d'une obligation née du contrat peut toujours prendre acte de la rupture, que ce soit en raison des faits dont il a saisi le conseil de prud'hommes ou d'autres faits (Cass. soc., 21 déc. 2006, no 04-43.886, Bull. civ. V, no 413 ; Cass. soc., 21 nov. 2007, no 06-41.757 ; Cass. soc., 26 nov. 2008, no 07-40.254).

Effets de la prise d'acte par le salarié : rupture immédiate du contrat

Lorsqu'un salarié « prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission » (Cass. soc., 25 juin 2003, no 01-42.335 ; Cass. soc., 25 juin 2003, no 01-42.578 ; Cass. soc., 25 juin 2003, no 01-43.679, Bull. civ. V, no 209 ; Cass. soc., 17 févr. 2004, no 01-42.427 ; Cass. soc., 12 oct. 2004, no 02-44.883, Bull. civ. V, no 249).

En d'autres termes, la prise d'acte de la rupture à l'initiative du salarié ne constitue ni un licenciement, ni une démission mais une rupture produisant les effets de l'un ou de l'autre selon que les griefs invoqués par le salarié étaient ou non justifiés.

Le mécanisme est exactement le même pour les « démissions motivées », c'est-à-dire les démissions assorties de griefs à l'encontre de l'employeur ( no 1999  ; Cass. soc., 19 oct. 2004, no 02-45.742, Bull. civ. V, no 263 ; Cass. soc., 15 mars 2006, no 03-45.031, Bull. civ. V, no 109 ; Cass. soc., 13 déc. 2006, no 04-40.527, Bull. civ. V, no 375 ; Cass. soc., 30 oct. 2007, no 06-43.327, Bull. civ. V, no 177).

Remarques

Par ces arrêts, la Cour de cassation est revenue sur une dérive jurisprudentielle qui requalifiait la prise d'acte de la rupture à l'initiative du salarié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, même si en définitive les griefs invoqués n'étaient pas fondés (Cass. soc., 26 sept. 2002, no 00-41.823, Bull. civ. V, no 284 ; Cass. soc., 21 janv. 2003, no 00-44.502). Cette jurisprudence avait été abondamment critiquée comme consacrant un système « d'autolicenciement » selon l'expression du Professeur Jean-Emmanuel Ray.

La formulation choisie par la Cour de cassation (« cette rupture produit les effets… ») est importante.

Elle signifie qu'avec la prise d'acte, la rupture est consommée et définitive : « La prise d'acte de la rupture entraîne cessation immédiate du contrat » (Cass. soc., 30 janv. 2008, no 06-14.218, Bull. civ. V, no 28 ; Cass. soc., 9 déc. 2009, no 07-45.521, no 2501 FS-P+B+R). A cet égard, elle se révèle beaucoup plus risquée que l'action en résiliation judiciaire qui laisse subsister le contrat de travail jusqu'à ce que le juge se prononce.

Le juge saisi du litige doit se borner à rechercher si les griefs invoqués à l'appui de la prise d'acte par le salarié étaient ou non justifiés, sans prendre en considération des évènements postérieurs tels qu'une prise d'acte par l'employeur ou un licenciement.

En effet, « le contrat étant rompu par la prise d'acte, peu importe la lettre envoyée postérieurement par l'employeur pour imputer au salarié la rupture » (Cass. soc., 19 janv. 2005, no 02-41.113, Bull. civ. V, no 11), peu importe également le licenciement ultérieur, celui-ci devant être considéré comme « non avenu » (Cass. soc., 19 janv. 2005, no 03-45.018, Bull. civ. V, no 12 ; Cass. soc., 13 déc. 2006, no 05-44.206). Le fait que la prise d'acte soit intervenue alors qu'une procédure de licenciement est déjà engagée, c'est-à-dire alors que l'employeur a manifesté son intention de rompre, n'entame pas son caractère radical. La rupture est bel et bien consommée « peu important la convocation du salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement » (Cass. soc., 28 juin 2006, no 04-43.431, Bull. civ. V, no 232).

Autrement dit, la prise d'acte « fige » la situation, elle « cristallise » la rupture. Sauf arrangement entre les parties, une fois qu'elle est notifiée, il sera pratiquement impossible tant pour le salarié de faire marche arrière que pour l'employeur de régulariser la situation a posteriori en engageant une procédure de licenciement.

C'est bien le sens qu'il convient de donner à un arrêt du 14 octobre 2009 (Cass. soc., 14 oct. 2009, no 08-42.828 FS-P+B+R) où l'on a vu la Cour de cassation refuser toute valeur à la rétractation du salarié. La prise d'acte de rupture avait entraîné la rupture immédiate du contrat de travail et il était impossible de revenir en arrière.

Ainsi, le juge doit analyser les efforts de la rupture du contrat à la date où s'est manifesté le salarié (Cass. soc., 9 déc. 2009, no 07-45.521, no 2501, FS-P+B+R).

Griefs justifiant la prise d'acte

La prise d'acte produira les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les griefs invoqués par le salarié sont justifiés, soit d'une démission dans le cas contraire. Cette notion de justification de la prise d'acte est donc essentielle.

Des manquements d'une gravité suffisante

Pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur (voir J.-Y. Frouin, Semaine sociale Lamy, no 1119 ; Cass. soc., 19 janv. 2005, no 03-45.018, Bull. civ. V, no 12).

Il en sera ainsi de comportements délibérés rendant impossible la poursuite des relations contractuelles tels que :

la modification unilatérale du contrat de travail (Cass. soc., 13 juill. 2005, no 03-45.247 ; Cass. soc., 9 avr. 2008, no 07-40.668 : modification des conditions de rémunération) ;

le non-paiement du salaire (Cass. soc., 6 juill. 2004, no 02-42.642) ;

le fait de ne pas rémunérer l'intégralité des heures de travail effectuées par le salarié, de ne rémunérer que partiellement les heures supplémentaires et de ne pas régler intégralement les indemnités de repas (Cass. soc., 20 janv. 2010, no 08-43.476) ;

les mesures vexatoires, les agissements constitutifs de violences morales et psychologiques (Cass. soc., 26 janv. 2005, no 02-47.296, Bull. civ. V, no 23), d'atteinte à l'intégrité physique (Cass. soc., 30 oct. 2007, no 06-43.327, Bull. civ. V, no 177) ;

le fait de ne pas prendre les mesures permettant de protéger une salariée contre les agissements d'harcèlement moral et sexuel d'un supérieur hiérarchique et, ce même si l'employeur a réagi aussitôt qu'il a eu connaissance de la « détresse » de la salariée. Il a en effet failli à son obligation de sécurité de résultat (Cass. soc., 3 févr. 2010, no 08-44.019 ; voir aussi, pour une solution analogue, Cass. soc., 3 févr. 2010, no 08-40.144 P+B).

le non-respect du repos hebdomadaire (Cass. soc., 7 oct. 2005, no 01-44.635), des repos compensateurs (Cass. soc., 9 mai 2007, no 05-40.315, Bull. civ. V, no 70) ;

le manquement à l'obligation de sécurité (Cass. soc., 29 juin 2005, no 03-44.412, Bull. civ. V, no 219, espèce où le laxisme de l'employeur en matière de lutte contre le tabagisme a légitimé une prise d'acte de la rupture) ;

l'exclusion de la part variable de la rémunération, de l'assiette de calcul de l'indemnisation conventionnelle due en cas de maladie (dans cette affaire, la convention collective n'excluait du maintien de salaire que les primes et les gratifications – Cass. soc., 19 mai 2009, no 07-45.692, no 1076 F-P+B) ;

le fait de ne pas réintégrer une salariée, de retour d'un congé de maternité, dans ses anciennes fonctions ou dans des fonctions équivalentes. En l'espèce, une enseignante cumule ses fonctions pédagogiques avec des tâches d'encadrement. A son retour, elle est réaffectée dans la classe où la directrice de l'école est le professeur principal. Il s'ensuit inévitablement la perte d'une partie de ses fonctions d'encadrement, ce qui, d'une part, constitue une modification du contrat de travail et, d'autre part, est une circonstance suffisante pour que la prise d'acte de rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 3 févr. 2010, no 08-40.338).

En revanche, un manquement ponctuel de l'employeur à ses obligations contractuelles, explicable par des circonstances indépendantes de sa volonté, sans que soit en cause sa bonne foi, ne saurait légitimer une prise d'acte de la rupture à ses torts.

Ainsi, le non-règlement du salaire par une association en difficulté n'a pas été jugé suffisant pour justifier une prise d'acte intervenue, il est vrai, au moment où la situation allait être débloquée (Cass. soc., 4 nov. 2003, no 01-44.740), un décalage d'un jour ou deux dans le paiement du salaire, explicable par l'incidence de jours fériés, ne saurait davantage suffire à justifier une prise d'acte (Cass. soc., 19 janv. 2005, no 03-45.018, Bull. civ. V, no 12).

Portée des griefs énoncés dans la lettre de prise d'acte

Pour apprécier si la prise d'acte est ou non justifiée, les juges ne sont pas liés par les griefs énoncés dans la lettre qui la notifie.

En effet, « l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à l'employeur ne fixe pas les limites du litige » ; dès lors « le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit » (Cass. soc., 29 juin 2005, no 03-42.804, Bull. civ. V, no 223 ; Cass. soc., 15 févr. 2006, no 03-47.363 ; Cass. soc., 9 avr. 2008, no 07-40.668).

En d'autres termes, le salarié ne saurait être « enfermé » dans les griefs qu'il invoque dans sa lettre de prise d'acte. S'il en existe d'autres, à condition que le salarié soit en mesure de les établir et qu'ils soient antérieurs à la date où il a pris acte, il peut les faire valoir devant le juge.

Remarques

Avec cet arrêt, la Cour de cassation a levé une ambiguïté contenue dans un précédent où elle énonçait que « seuls les faits invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte permettent de requalifier la démission en licenciement » (Cass. soc., 19 oct. 2004, no 02-45.742). Une telle formulation laissait entendre que la lettre de prise d'acte, à l'instar de la lettre de licenciement, fixait les limites du litige et interdisait au salarié, dans le cadre d'une action en justice, d'en ajouter ou d'en substituer d'autres pour justifier son initiative. La présente solution se justifie dans la mesure où, contrairement au droit du licenciement, il n'existe pas de formalisme imposé à la prise d'acte, pas plus d'ailleurs qu'à la démission. Dès lors que l'une et l'autre peuvent être formulées verbalement, le choix du salarié en faveur d'un écrit ne saurait jouer à son détriment.

Charge de la preuve

C'est au salarié, et à lui seul, qu'il incombe d'établir les faits allégués à l'encontre de l'employeur. S'il n'est pas en mesure de le faire, s'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l'appui de sa prise d'acte, celle-ci doit produire les effets d'une démission (Cass. soc., 19 déc. 2007, no 06-44.754, Bull. civ. V, no 219 ; Cass. soc., 9 avr. 2008, no 06-44.191).

Toutefois, la Cour de cassation admet implicitement que le fait pour un employeur de ne pas avoir procédé à l'adaptation de poste préconisée par le médecin du travail concernant un salarié déclaré partiellement inapte à son emploi, peut justifier une prise d'acte, par celui-ci, de la rupture de son contrat aux torts de l'entreprise.

La Cour précise, à cette occasion, que c'est à l'employeur de justifier des mesures prises pour adapter le poste de travail du salarié ou des raisons qui les rendaient impossibles. Ce n'est pas au salarié de prouver que son employeur n'a pas respecté ses obligations en la matière (Cass. soc., 14 oct. 2009, no 08-42.828 FS-P+B+R).

On observera que contrairement au droit du licenciement, le doute profite en quelque sorte à l'employeur, ce qui fait bien de la prise d'acte une initiative risquée.

 

 

Prise d'acte par un salarié protégé

Une faculté ouverte au salarié protégé

Les salariés protégés peuvent, comme les salariés ordinaires, prendre acte de la rupture de leur contrat de travail en raison de faits qu'ils reprochent à l'employeur.

Après l'avoir implicitement admis dans deux arrêts (Cass. soc., 21 janv. 2003, no 00-44.502, Bull. civ. V, no 13, Sogeposte ; Cass. soc., 13 juill. 2004, no 02-42.681, Bull. civ. V, no 212), la Cour de cassation l'a énoncé sans ambiguïté (Cass. soc., 25 janv. 2006, no 01-41.205 ; Cass. soc., 5 juill. 2006, no 04-46.009, Bull. civ. V, no 237).

Cette admission n'allait pas de soi. L'on sait en effet que la Cour de cassation applique depuis longtemps avec une grande rigueur les règles du statut protecteur qui, hormis la démission claire et non équivoque ou le départ à la retraite du salarié protégé, interdit la rupture du contrat de travail par d'autres moyens qu'un licenciement précédé par une autorisation administrative  (voir no 2479 et s.) . Cette intransigeance l'avait conduite à exclure que le salarié protégé puisse demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail (Cass. soc., 11 déc. 2001, no 99-42.586), action à laquelle elle assimilait la prise d'acte aux torts de l'employeur (Cass. soc., 4 avr. 2001, no 99-44.095).

Les arrêts précités du 21 janvier 2003 et du 13 juillet 2004, parce que la solution était implicite, laissaient subsister quelques doutes. Ils ont été définitivement levés avec l'arrêt de revirement intervenu en 2005 qui permet au salarié protégé de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail (Cass. soc., 16 mars 2005, no 03-40.251, Bull. civ. V, no 94, voir  no 2046 ) et par un arrêt ultérieur qui énonce que « la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par un salarié protégé a pour effet de rompre le contrat de travail » (Cass. soc., 25 janv. 2006, no 01-41.205).

Conséquences de la prise d'acte par le salarié protégé

La prise d'acte ayant pour effet de rompre le contrat, l'inspecteur du travail ne peut que refuser la demande d'autorisation de licenciement qui lui fait suite (CE, 15 déc. 2004, no 252590). Et le juge judiciaire ne méconnaît pas le principe de la séparation des pouvoirs en statuant sur les effets de cette rupture qui rend sans objet la demande d'autorisation (Cass. soc., 25 janv. 2006, no 04-41.205).

Logiquement, et par analogie avec le mécanisme de la prise d'acte par un salarié ordinaire, si les griefs invoqués par le salarié protégé à l'appui de la prise d'acte ne sont pas justifiés, la rupture devrait produire les effets d'une démission.

Si, en revanche, les griefs sont justifiés, cette rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur (Cass. soc., 5 juill. 2006, no 04-46.009, Bull. civ. V, no 237 ; Cass. soc., 21 janv. 2003, no 00-44.502, Bull. civ. V, no 13, solution implicite ; Cass. soc., 21 nov. 2007, no 06-41.712).

Le salarié protégé qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail pourra-t-il faire valoir un droit à réintégration ?

Aucune décision significative n'a été rendue sur la question. Tout au plus citera-t-on la formulation ambiguë d'un arrêt : « ... lorsque le salarié a obtenu judiciairement sa réintégration et que l'employeur y fait obstacle, ce dernier est tenu au paiement d'une indemnité égale à la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu'à ce que, renonçant à la réintégration, il prenne acte de la rupture de son contrat de travail » (Cass. soc., 25 janv. 2006, no 04-40.789, Bull. civ. V, no 28).

Dans le même esprit, il faut considérer, à notre sens, qu'une erreur matérielle dans le calcul du salaire ou le non-versement ponctuel d'une prime ne peuvent légitimer une prise d'acte par le salarié.

D'une manière générale, il ne suffit pas qu'un salarié soit fondé dans ses revendications à l'appui de sa prise d'acte pour que celle-ci soit nécessairement justifiée. Dans leur appréciation, les juges peuvent prendre en considération son caractère prématuré au regard notamment de l'attitude conciliante de l'employeur (Cass. soc., 2 juill. 2008, no 07-41.372).




 

Jean-Pierre DA ROS 
Confédération Française des Travailleurs Chrétiens - CFTC -

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